L'éditeur que chacun redoutait il y a encore dix ans semble avoir trouvé plus malin et plus vivace que lui : Google. Le moteur de recherche est devenu un géant et menace de s'emparer du gâteau publicitaire d'Internet. Pourtant, le numéro un du logiciel conserve bien des atouts. Il s'apprêterait à passer à l'offensive en s'offrant Yahoo.
Durant les années 1990, un chercheur américain nommé Karl Sims avait réalisé une étonnante simulation de l'évolution. Des formes de vie créées de manière aléatoire venaient à s'affronter, chaque génération tentant de synthétiser le meilleur des survivantes. Une scène avait frappé de nombreux spectateurs de la démonstration projetée au festival Imagina. L'une des formes, quasi invincible, était devenue si énorme qu'elle écrasait de sa masse tout opposant éventuel. Mais ce gigantisme avait fini par atteindre ses limites en rendant difficile ses mouvements. Le titan s'était alors retrouvé confronté à une petite créature sautillante, suffisamment rapide pour qu'on ne puisse l'anéantir en se renversant dessus. La bestiole espiègle avait alors entrepris d'épuiser le géant par des attaques si véloces que le molosse ne parvenait pas à se défendre.
Nous avons là une étonnante métaphore de la situation que subit actuellement Microsoft. Fort de sa domination implacable dans les domaines du système d'exploitation et de la bureautique, la société de Bill Gates a longtemps paru insurmontable. Si un concurrent se mettait sur son chemin, même s'il avait pour nom Lotus, Novell ou Netscape, Microsoft était en mesure de le réduire à néant.
La menace de l'arme Windows
Comme l'a dévoilé le fameux procès de 1998 intenté par le gouvernement américain, Microsoft usait notamment d'une arme efficace : la menace d'une rupture du contrat de licence de Windows. En juin 1996, le constructeur Compaq, qui désirait remplacer Internet Explorer par Netscape Navigator sur ses ordinateurs Presario, s'était ainsi vu rappeler à l'ordre. Idem pour Gateway et autres Micron. Et pourtant... Microsoft avait finalement échappé aux sanctions judiciaires. En octobre 2001, la juge Colleen Kollar-Kotely avait opté pour un accord à l'amiable, conformément aux souhaits de la nouvelle administration au pouvoir. À cette époque, il pouvait sembler que rien ne pourrait terrasser le n°1 du software.
Le géant a pourtant pris de l'embonpoint et il est devenu vulnérable aux assauts d'un moucheron qui depuis trois ans, le harcèle sans relâche. Né en 1998, Google n'a aucunement inquiété Microsoft durant son ascension discrète mais efficace des années 2000-2003, une période marquée par un e-krach qui avait terni l'image des start-up d'Internet.